Francis Scarpaleggia
Francis Scarpaleggia
Député de Lac-Saint-Louis
Discours : aide médicale à mourir
31 mai 2016

Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec mon honorable collègue de Pierrefonds—Dollard.

Dans notre monde postmoderne, avec sa tendance parfois à un certain type de ce que d’aucuns qualifieraient de relativisme libertaire, nous devons continuer de croire et d’affirmer qu’il existe des valeurs dont nous pouvons tous dire objectivement qu’elles sont bonnes et qu’elles méritent d’être protégées et encouragées, des valeurs qui devraient nous éclairer, nous motiver et nous guider tant à titre individuel que collectivement. Nous devons souscrire à l’impératif suivant: nous avons le devoir, en tant qu’êtres humains, de nous soutenir les uns les autres dans ce combat pour la vie, comme certains collègues l’ont dit, dans cette lutte contre la réalité indéniable de notre existence limitée qu'est notre mortalité. Chaque instant de la vie est important. Cette vérité doit être affirmée et respectée. Tel est le consensus qui prévaut, qui s’est profondément enraciné dans la société au fil de l’histoire. Tel est aussi notre instinct premier. Beaucoup de mes électeurs craignent que le projet de loi C-14 ne mine ce consensus, cet instinct. Je comprends cette crainte.

Nous ne pouvons nous permettre de sombrer dans l’indifférence, de nous laisser tranquillement séduire par la notion facile véhiculée par l’expression éculée « à chacun sa vérité » qui revient à dire que nous acceptons le droit de chacun de choisir, mais que nous ne pensons pas au-delà qu’il nous appartienne de renforcer le bon choix, le choix souhaitable. Lorsqu’il me semble entendre quelqu’un ramener le débat sur l’aide médicale à mourir à un débat sur un pur choix libertaire, j’avoue que j’en ai quelques frissons.

Après mûre réflexion, je ne crois pas que le projet de loi C-14 engendrerait nécessairement une attitude de plus en plus permissive à l'égard de la mort autogérée et qu'il aurait en outre un effet d'entraînement.

J'aimerais citer la bioéthicienne et philosophe Margaret Somerville, généralement considérée comme de tendance conservatrice à l'égard des questions de bioéthique. Dans ses écrits, Mme Somerville parle notamment des dangers de la légalisation de l'aide médicale à mourir:

Le projet de loi ferait en sorte que l'aide médicale à mourir figure dans les cas d'exemption — ou d'exception — alors que normalement ce genre de pratique donnerait lieu à des poursuites en vertu du Code criminel pour homicide coupable ou suicide assisté. Le fait de traiter l'aide médicale à mourir comme une exception permettrait d'assurer, ce qui est essentiel, que les Canadiens ne considèrent pas que c'est la façon normale de mourir; 

Autrement dit, le projet de loi C-14 ne normaliserait pas l'aide médicale à mourir comme c'est peut-être le cas en Belgique ou aux Pays-Bas, les deux pays les plus souvent cités par ceux qui craignent qu'on ne s'engage sur une pente glissante.

Mme Somerville ajoute également:

Le fait de reconnaître l'aide médicale à mourir comme une exception contribue également à établir que le recours à cette pratique n'est pas un droit, mais offre plutôt, moyennant certaines conditions, une immunité contre toute poursuite pour infraction criminelle... 

Par surcroît, cette bioéthicienne de renom soutient que l'approche retenue est porteuse d'un important message de santé publique contre le suicide.

J'ajoute que, dans le préambule du projet de loi, le gouvernement a pris soin de mettre l'accent sur ce message puisqu'il reconnaît « que le suicide constitue un important enjeu de santé publique qui peut avoir des conséquences néfastes et durables sur les personnes, les familles et les collectivités ».

Comme je ne suis pas médecin, je ne suis pas confronté à la mort au quotidien et, de plus, je n'ai jamais été à l'article de la mort.

Comme nous tous ici, je suis un élu qui tente de prendre la meilleure décision possible dans le contexte de la réalité indéniable d'une décision unanime de la Cour suprême dans une cause déchirante, la cause Carter.

Cette décision de la Cour exige que le Parlement crée un nouveau cadre juridique visant à réglementer un aspect particulier de la fin de vie. Si nous n'assumons pas notre responsabilité dès maintenant, nous entrerons dans un vide juridique et réglementaire partiel. Pour citer l'Ontario Hospital Association, si le projet de loi n'est pas adopté d'ici le 6 juin, « l'aide à mourir sera légitime là où elle est prévue conformément aux paramètres établis par les tribunaux et les organismes de réglementation des provinces. »

Les paramètres établis par la Cour sont de nature assez générale. La Cour n'a pas précisé ce que devrait être le cadre opérationnel de l’aide médicale à mourir. Ce n’est pas aux tribunaux d’être si normatifs.

Cela ne veut pas dire que je n'ai pas de crainte à adopter cette loi. En l'absence d'une décision de la Cour suprême et si la question avait été soulevée une nouvelle fois par le biais du projet de loi d'initiative parlementaire, je n’aurais probablement pas voté pour l'aide médicale à mourir. J'ai déjà voté contre un projet de loi d'initiative parlementaire sur le suicide médicalement assisté.

Mais nous avons une décision de la Cour suprême qui nous oblige à agir. Je pense que le premier ministre, ainsi que la ministre de la Justice  et la ministre de la Santé ont agi sagement en faisant preuve de prudence, malgré l'excellent travail du comité mixte spécial sous la direction compétente et intelligente de mon ami et collègue le député de Don Valley-Ouest.

Le projet de loi n’est peut-être pas parfait, mais je crois que ce serait une erreur de penser qu'il laisse un vaste champ ouvert à l'aide médicale à mourir, une crainte exprimée par de nombreuses personnes sérieuses et soucieuses au plus haut point de la protection de la vie humaine

Le projet de loi C-14 établit de nombreux critères à remplir avant que l’aide médicale à mourir ne soit autorisée. La personne doit être âgée de 18 ans et doit souffrir de problèmes de santé graves et irrémédiables qui répondent à quatre critères: sa maladie, son affection ou son handicap doivent être graves et incurables; sa situation médicale se caractérise par un état de déclin avancé et irréversible de ses capacités; en outre, sa maladie doit lui causer des souffrances physiques ou psychologiques persistantes et intolérables; et sa mort naturelle doit être considérée comme raisonnablement prévisible. De plus, la personne doit faire une demande de manière volontaire, sans pressions extérieures, qui est le résultat d’un consentement éclairé.

Le projet de loi comprend également un certain nombre de mesures de sauvegarde: la personne doit faire une demande par écrit ou par un autre moyen fiable. Si la demande est signée par un mandataire, celui-ci doit avoir au moins 18 ans et comprendre la nature de la demande. La demande ne doit être faite qu’après que la personne a été informée que sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible.

La demande doit être signée et datée devant deux témoins indépendants et ces témoins ne doivent pas être des bénéficiaires de la succession ou de tout autre avantage matériel de la personne qui fait la demande. Ils ne doivent pas participer directement à la prestation des services de soins de santé de la personne.

Deux médecins doivent donner un avis écrit confirmant que la personne répond aux critères d'admissibilité et ces médecins doivent être indépendants. Par exemple, l’un ne peut pas être le supérieur ou le mentor de l'autre.

Surtout, la personne doit être informée qu’elle a la possibilité de retirer sa demande à tout moment.

Cela dit, je ne suis pas du tout convaincu que l'aide médicale à mourir est un acte serein et digne, même s’il est souvent présenté comme tel. Je soupçonne que des complications peuvent surgir. Voilà pourquoi il est crucial que, grâce au gouvernement, le projet de loi permette le suivi de l'aide médicale à mourir au moyen de rapports détaillés.

Il y a quelques années, une poignée de parlementaires, dont faisaient partie les députés de Kitchener—Conestoga et de Carlton Trail—Eagle Creek, les anciens députés de Newmarket—Aurora, de Guelph et de Windsor—Tecumseh, ainsi que moi-même, nous sommes demandés s'il ne fallait pas augmenter et améliorer les soins palliatifs au Canada.

Nous avons fondé un comité qui s'est penché sur les soins de compassion et les soins palliatifs et nous avons produit un rapport. L'un des aspects positifs du débat sur cette question est le fait qu'on accorde une attention sans précédent aux soins palliatifs ici, à la Chambre, et sur la scène nationale en général.

Lorsque des soins palliatifs de qualité semblables à ceux prodigués par la Résidence de soins palliatifs de l'Ouest-de-l'Île pourront être offerts à tous les Canadiens qui approchent de la mort parce que les gouvernements fédéral et provinciaux auront accordé les fonds nécessaires, j'espère sincèrement que cette mesure législative deviendra en quelque sorte un vestige et que l'aide médicale à mourir ne sera plus considérée comme la seule option pour soulager une personne de ses souffrances à la fin de sa vie.

Par conséquent, puisque le gouvernement s'est déjà engagé à en faire plus pour financer les soins palliatifs, je suis encouragé de voir que le projet de loi mentionne expressément cet engagement. J'espère qu'un jour, lorsqu'on offrira des soins palliatifs de qualité à tous, on atteindra un point culminant et que c'est en fonction de celui-ci qu'on mesurera la valeur d'une société véritablement juste.

Bureau principal - Pointe-Claire
1, avenue Holiday 635, Tour est
Pointe-Claire, Quebec
H9R 5N3

Téléphone :
514-695-6661

Télécopieur :
514-695-3708
Afficher la carte

Bureau de la colline
Chambre des communes
Ottawa, Ontario
K1A 0A6

Téléphone :
613-995-8281

Télécopieur :
613-995-0528
Afficher la carte