Francis Scarpaleggia
Francis Scarpaleggia
Député de Lac-Saint-Louis
Discours : modifications à la Loi sur la radiodiffusion (diffuseurs de contenu en ligne)
19 novembre 2020

Madame la Présidente, le Canada ne s’est pas formé par accident. Il est le fruit de la volonté de créer, dans la partie supérieure du continent nord-américain, un espace distinct sur les plans politique, économique et culturel. Nous nous concentrons aujourd’hui sur l’espace culturel.

Le projet de loi vise à garantir la vitalité à long terme du contenu culturel canadien. À bien des égards, le Québec sert de modèle et d’inspiration à l’affirmation culturelle de l’ensemble du Canada. Son exemple prouve qu’il est possible de préserver et de renforcer sa propre présence culturelle malgré les pressions constantes, qu’il est possible de bâtir et de maintenir un univers culturel qui reflète, soutient et renforce notre identité collective, et qu’on a même le devoir de le faire pour soi-même et pour ses concitoyens.

La culture est un réservoir d’idées, de valeurs, de symboles, de façons de faire et d’histoires individuelles tissées en histoires collectives. Ce réservoir, il faut sans cesse l’alimenter si on veut qu’il demeure plein et profond. Sinon, à la longue, il s’évapore ou se trouve à être alimenté d’autres sources dans lesquelles on ne voit plus notre reflet, ou bien dans lesquelles on ne voit que les grandes lignes d’une image délavée.

Le Québec a bien su alimenter son réservoir culturel, et le reste du Canada aussi, souvent inspiré par le Québec.

Cette affirmation de la valeur de la culture en tant que prisme à travers lequel on voit le monde explique en partie, selon moi, l’attention et l’appui que l’on accorde enfin aux langues et aux cultures autochtones du Canada, y compris, soit dit en passant, au moyen des dispositions du projet de loi à l’étude aujourd’hui.

En tant que Canadiens, il est crucial que nous puissions nous reconnaître dans des livres, des pièces de théâtre, des émissions de télévision et des films, et de nous entendre dans la musique. Lorsque nous sommes reflétés dans ces médias, nous nous voyons en mouvement dans l’avenir, en train d’agir, d’accomplir des choses, de surmonter des situations difficiles et complexes. Nous constatons aussi notre potentiel. Qu’y a-t-il de plus revigorant et motivant que cela, individuellement et collectivement?

Depuis plus d’un siècle au Canada, nous démontrons que le déterminisme culturel n’existe pas. On ne peut pas présumer de la capacité d’une culture de survivre et de prospérer, même en présence de puissantes forces culturelles extérieures. La vigueur d’une culture, sa résilience, est fonction de la détermination et de la capacité des gens à élaborer des stratégies culturelles et à les adapter continuellement selon l’évolution du milieu.

La survie et l’épanouissement de notre culture dépendent de nous, de notre volonté de créer continuellement son contenu et de se doter des moyens nécessaires pour faire rayonner ce contenu. Le tout passe par des prises de conscience et des réflexions qui suivent l’évolution parfois rapide des changements et des défis technologiques et économiques qui se pointent sans cesse à l’horizon.

La création de CBC/Radio-Canada est le fruit d’une volonté politique. C’était une réponse collective délibérée au défi posé par un nouveau média, la radio. L’exigence relative au contenu canadien à la radio était aussi un geste politique qui a donné naissance à une industrie musicale nationale qui, 30 ans plus tard, a conquis les marchés mondiaux dans les genres country, jazz et rock.

Je n’ai pas assez de temps pour énumérer la liste des études, analyses et initiatives stratégiques entreprises au fil des décennies dans le but de renforcer la culture canadienne en dépit des défis technologiques et économiques, mais voici néanmoins quelques exemples.

En 1929, la Commission royale de la radiodiffusion, appelée Commission Aird, avait recommandé que le Canada établisse un seul système de radiodiffusion national appartenant à l’État. Peu de temps après, en 1932, la Loi canadienne de la radiodiffusion était adoptée.

En 1936, un comité parlementaire a réclamé la création d’une société comparable à la BBC. C’est ainsi que la Société CBC/Radio-Canada a été créée et, en 1937, elle a ouvert à Montréal une station de radio de langue française qui est devenue aujourd’hui un phare pour la culture francophone au Québec, pour les francophones hors Québec et, il faut le préciser, pour les francophiles de tout le pays, dont le nombre a augmenté à la suite de l’adoption de la Loi sur les langues officielles par le gouvernement de Pierre Trudeau.

Lorsque je pense à notre infrastructure culturelle, indispensable au Canada, je pense entre autres à CBC/Radio-Canada. On ne peut sous-estimer l’importance névralgique de Radio-Canada en particulier. Cela me déçoit lorsque j’entends les conservateurs dire qu’ils veulent privatiser CBC/Radio-Canada. À bien des égards, la société d’État est la source qui alimente notre réservoir culturel francophone au pays.

Pour poursuivre, en 1949, on met sur pied la commission Massey, à qui on confie le mandat d’examiner la radiodiffusion et la télédiffusion au Canada. En 1958, la Loi sur la radiodiffusion est adoptée. En 1959, les quotas sur le contenu canadien à la télévision sont créés.

En 1969, remarquant que la câblodistribution était devenue un élément majeur du système canadien de radiodiffusion, le CRTC a établi des règles concernant les services que les câblodistributeurs étaient tenus d’offrir. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui l’obligation réglementaire de transmission.

En 1971, la réglementation sur le contenu canadien est entrée en vigueur au sujet de la musique diffusée par les stations de radio AM. Le CRTC a aussi permis la substitution simultanée, selon laquelle l’émission d’une station de télévision locale aurait priorité sur une station américaine diffusant la même émission. Cette décision avait pour but d’aider les stations locales à conserver leur auditoire local et les recettes publicitaires correspondant à cet auditoire.

En 1983, on a créé le fonds de développement de la production d’émissions en vue d’assurer la production d’émissions de télévision canadiennes de haute qualité dans les domaines sous-représentés des dramatiques, des variétés, des émissions pour enfants et des documentaires.

En 1984, on a formé le comité fédéral-provincial sur l’avenir de la télévision en langue française pour qu’il étudie les défis propres à ce médium.

En 1992, le CRTC a publié sa Politique sur la représentation non sexiste des personnes.

En 1996, la ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps, a annoncé la création du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d’émissions canadiennes, qui combinait le Fonds de production des câblodistributeurs et le Fonds de télévision de Téléfilm.

En 2002, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a publié un rapport intitulé « Notre souveraineté culturelle: Le deuxième siècle de la radiodiffusion canadienne. »

Plus tard, en 2018, le gouvernement libéral a mis sur pied un groupe d’examen composé de six membres et chargé d’examiner la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiocommunication. Le rapport Yale, intitulé « L’avenir des communications au Canada: le temps d’agir », est le point de départ du projet de loi que nous débattons aujourd’hui.

Il fut un temps, il n’y a pas si longtemps, où on pensait généralement qu’aucune intervention que ce soit n’était possible relativement à Internet et que toute résistance envers ce mastodonte qu’est le Web ne pouvait qu’être vaine et signe d’une grande naïveté. Compte tenu en partie de cette façon de voir les choses, en 1999, le CRTC a exempté les entreprises de retransmission par Internet de l’obligation de détenir une licence ou de se soumettre aux règlements pris en application de la Loi sur la radiodiffusion. Cette décision a été examinée et confirmée en 2009.

En 2001, on a voulu, avec le projet de loi C-48, soumettre les entreprises de retransmission par Internet au régime de droits d’auteur du Canada. Le projet de loi a toutefois été modifié pour maintenir l’interdiction d’utilisation de contenu exclusif par les entreprises de retransmission.

Dans un certain sens, le projet de loi C-10 s’attaque à des questions qui restaient à régler. Le projet de loi C-10 va placer les services de diffusion en continu en ligne sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion. Les plateformes Internet comme Crave, Netflix, Amazon Prime et Spotify vont devoir, comme les diffuseurs classiques, contribuer à la création d’une programmation canadienne en versant un pourcentage de leurs revenus bruts.

Par ailleurs, le Conseil des ministres disposera du pouvoir d’ordonner au CRTC de s’assurer que les fonds nécessaires sont consacrés à la programmation de langue française. Dans le monde moderne des communications de masse, la courroie de transmission culturelle est hautement technologique, que l’on parle de la radio, de la télévision, du cinéma, de la musique enregistrée ou du contenu sur Internet. Ce projet de loi vise à renforcer notre infrastructure culturelle moderne. L’épanouissement d’une culture dépend à la base d’une volonté collective, mais elle dépend aussi des ressources, bref, de l’argent. Ce projet de loi vise à assurer que les ressources nécessaires sont mises à la disposition et au service de la survie et de l’épanouissement de notre belle et magnifique culture.

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