Francis Scarpaleggia
Francis Scarpaleggia
Député de Lac-Saint-Louis
Discours : Budget 2021
26 avril 2021

Madame la Présidente, en écoutant les interventions de l’opposition officielle sur le budget depuis quelques jours, j’ai peine à déterminer si ses membres sont partisans du keynésianisme ou de la politique économique de l’ancien président Reagan.

Ils disent qu’ils appuient les mesures d’urgence que notre gouvernement a tout de suite mises en place lorsque la pandémie a éclaté et des programmes qui ont aidé tant de Canadiens, de familles et d’entreprises. Mais en même temps, ils critiquent le déficit en affirmant toutefois qu’ils ne l’élimineraient pas. Ils ne précisent pas non plus quel niveau de déficit ils toléreraient et pendant combien de temps.

Les experts de l’étranger exhortent les gouvernements du monde entier à maintenir le cap, à conserver leurs mesures de relance en suivant les leçons tirées de la crise financière de 2008. Comme nous le savons, à l’époque, les gouvernements avaient mis les freins trop tôt, et il a fallu environ 10 ans pour que leurs économies nationales se rétablissent.

Le plan économique du gouvernement réussit. La Banque du Canada s’attend à ce que notre économie croisse de 6,5 % cette année, une révision à la hausse de sa prévision de 4 % en janvier. De plus, la Banque est plus optimiste que le gouvernement, qui prévoit une croissance économique de 5,8 % en 2021.

L’opposition parle beaucoup du fait que les mesures de relance du gouvernement, qui accroissent évidemment la dette, nuisent aux générations futures. N’oublions pas cependant qu’une récession profonde nuit aux perspectives de carrière des jeunes qui sont sur le point d’entrer sur le marché du travail, sans parler de ceux qui y sont déjà et qui ont perdu leur emploi. Ils risquent de ressentir ce ralentissement de carrière pendant toute leur vie professionnelle, et lorsqu’une carrière commence lentement, elle retarde aussi la création d’une famille. Cela pourrait entraîner des cotisations plus faibles aux REER, ce qui se traduirait par de faibles revenus de retraite.

Notre gouvernement investit dans l’avenir au moment où les taux d’intérêt sont bas. Ces investissements, notamment dans l’apprentissage et dans la garde des jeunes enfants, rendront le Canada plus productif, plus concurrentiel sur les marchés internationaux et donc plus prospère. Je reviendrai à la garde d’enfants dans un instant.

À l’avenir, le rendement des investissements sera élevé, et quel meilleur moment pour investir pour obtenir un rendement élevé que lorsque le coût du capital est bas? Ce sont là les rudiments de l’administration des affaires. Soit dit en passant, nous pouvons aussi nous attendre à une meilleure qualité de vie parce que, en plus des garderies, le gouvernement investit dans l’économie verte.

J’aimerais prendre une minute pour mettre en perspective le déficit et la dette. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui précédait une période de grande innovation technologique et d’expansion économique historique, le ratio déficit-PIB était de 21 %. Pour 2020-2021, le déficit sera de 346 milliards de dollars, soit 16,1 % du PIB. C’est moins que les 382,6 milliards que prévoyait le directeur parlementaire du budget et moins que les 381,6 milliards de dollars, ou 17,5 % du PIB, que le gouvernement lui-même prévoyait dans l’énoncé économique de l’automne.

La différence entre le déficit d’aujourd’hui et celui que les conservateurs nous ont laissé en 1993-1994, c’est que celui d’aujourd’hui n’est pas structurel. En d’autres termes, il ne repose pas sur des engagements à long terme qu’il est difficile de changer politiquement parlant. Contrairement au déficit de 1993-1994, celui d’aujourd’hui s’épongera rapidement. Le déficit tombera à 6,4 % du PIB en 2021-2022, puis à 2,3 % du PIB en 2022-23. Cela signifie qu’en 2022-2023, le ratio du déficit au PIB sera le tiers de ce qu’il était à la fin du gouvernement Mulroney.

Il faut aussi replacer la dette dans son contexte. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le ratio de la dette au PIB était de 100 %. En 1993-1994, il se situait à 71,9 %. À titre de comparaison, il se chiffrera pour 2020-2021 à 49 %, passera à 51,2 % l’an prochain, puis diminuera à mesure que l’économie croîtra et que la pandémie se résorbera. Il convient de souligner que le Canada a le ratio de la dette nette au PIB le plus bas des pays du G7, en tenant compte de la dette nette combinée des trois ordres d’administration publique: fédéral, provincial et municipal.

Parlons maintenant de l’inflation. Le député de Carleton a beaucoup parlé de la politique monétaire et de l’inflation dans son discours de la journée du dépôt du budget. Premièrement, soyons clairs, le gouvernement ne contrôle pas la politique monétaire. Tout le monde le sait. Ceux qui laissent entendre que l’assouplissement quantitatif relève d’une politique du gouvernement libéral sont de mauvaise foi, et il est presque alarmiste de laisser entendre que l’assouplissement quantitatif de la Banque du Canada amènera le Canada au bord d’une hyperinflation comme celle qui a été observée en Allemagne dans les années 1930.

Le budget prévoit un taux d’inflation de 2,2 % en 2021, de 2 % en 2022 et de 2,1 % en 2023, ce qui se rapproche davantage d’un risque de déflation, à mon avis. Pour sa part, la Banque du Canada prévoit que l’inflation reviendra à 2 % au deuxième semestre de 2021 et qu’elle y demeurera de façon soutenue.

Le risque d’inflation est faible parce que la masse monétaire ne fonctionne plus de la même façon qu’auparavant. Les conservateurs n’ont pas compris cela. Aujourd’hui, par exemple, l’assouplissement quantitatif consiste à encourager les banques à accorder du crédit, ce qui accroît la capacité et l’offre, et fait obstacle à l’inflation.

Si l’on se fie à ce que disent les députés de l’opposition officielle, la Banque du Canada aurait dû maintenir le cap de la fermeté monétaire, mais ils conviennent en parallèle que des déficits étaient nécessaires pour aider les Canadiens en temps de crise. Pouvez-vous me dire à quoi ressemblerait une combinaison de déficits d’urgence et de resserrement monétaire?

Je vous le donne en mille, cela ressemblerait beaucoup aux années 1980, à l’époque de l’économie à la sauce Reagan, c’est-à-dire des déficits jumelés à des taux d’intérêt qui montent en flèche. Comment cela aurait-il aidé les Canadiens qui vivent actuellement les pires moments de la pandémie, qui font la queue à leurs institutions financières pour obtenir des allégements hypothécaires et des prolongations de prêts pour leurs entreprises? Cela aurait été désastreux. Malheureusement, cela semble être la prescription économique du parti d’en face, l’économie à la Reagan 101, au détriment de la classe moyenne.

J’aimerais maintenant parler de la croissance de la productivité et de la compétitivité internationale. Parler des garderies. Au cours des 40 dernières années, le nombre croissant de femmes sur le marché du travail a compté pour environ le tiers de la croissance du PIB réel par habitant au Canada. Les experts s’entendent pour dire que notre prospérité dépendra d’une plus grande égalité entre les femmes et les hommes. Selon Recherche économique RBC, la croissance du nombre de femmes sur le marché du travail pourrait faire augmenter le PIB du Canada de 4 % et même compenser les baisses économiques prévues associées au vieillissement de la population.

Toute mesure qui permettrait d’augmenter la participation des femmes au marché du travail aurait un effet bénéfique pour l’économie.

C’est la structure fédérative du Canada qui fait sa force et sa beauté. Elle crée une sorte de laboratoire où chaque province peut mettre en œuvre des programmes qui tiennent compte de ses valeurs et de ses priorités régionales, et ce, souvent avec l’appui du gouvernement fédéral. Dans le cas d’une bonne idée, d’autres provinces peuvent emboîter le pas.

Le programme de garderies du Québec est un bon exemple de cette pollinisation croisée, si l’on peut dire. Pendant plusieurs années, on prétendait que le programme de garderies à 7 $ était une sorte de luxe payé par la péréquation. Or, nous avons appris que cette opinion était fausse grâce à une analyse faite en 2013 par le renommé économiste québécois Pierre Fortin, en tandem avec Luc Godbout et Suzie St-Cerny. Je vais rapidement passer en revue les conclusions de cette analyse, qui témoigne du bien-fondé de l’expérience québécoise qui a inspiré le récent budget.

Selon le professeur Fortin, le programme de garderies à 7 $ par jour a permis au Québec d’augmenter le taux de participation des femmes québécoises au marché du travail. En 1996, avant la mise en œuvre du programme, le taux de participation des femmes était inférieur de 2,5 % à la moyenne canadienne. Quinze ans plus tard, il la dépassait de 2,5 %. Pour l’année 2008, l’analyse du professeur Fortin a estimé à environ 70 000 le nombre de mères au travail spécifiquement attribuable au programme de garderies à 7 $.

On estime également que cet afflux de femmes sur le marché du travail a entraîné cette même année une majoration d’environ 5,1 milliards de dollars du PIB du Québec. En tout et partout, le programme a eu un effet favorable qui a permis aux gouvernements du Québec et fédéral de dégager un solde budgétaire de 919 millions de dollars en 2008 grâce aux hausses de l’impôt des particuliers et des sociétés, ainsi qu’à la réduction des transferts gouvernementaux sous forme de crédits d’impôt et de déductions fiscales pour les frais de garde d’enfants.

Somme toute, tant l’économie que les contribuables profiteront d’un programme de services de garde inspiré du modèle québécois. C’est un budget progressiste sur le plan de la justice sociale et bénéfique pour l’économie canadienne.

 

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