Francis Scarpaleggia
Francis Scarpaleggia
Député de Lac-Saint-Louis
Discours : moderniser la Loi canadienne sur la protection de l’environnement
19 octobre 2022

Madame la Présidente, c’est un plaisir pour moi de participer à ce débat. Avant d’entrer dans l’essentiel du projet de loi S‑5, j’aimerais faire un petit survol historique de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Avant même de faire cela, je ferai d’abord le point sur les effets néfastes de la pollution sur la santé humaine et, par le fait même, je soulignerai l’urgence de continuer d’agir pour minimiser la pollution au moyen d’une réglementation rigoureuse.

En 2017, la Commission Lancet sur la pollution et la santé a conclu que la pollution est le plus grand facteur de risque environnemental pour ce qui est des maladies et des décès prématurés dans le monde. Une mise à jour du rapport original publié en 2017 a été faite récemment. On y constate que la pollution est toujours responsable d’un nombre stupéfiant de 9 millions de décès prématurés par an, ce qui représente un décès sur six dans le monde. Ces 9 millions de décès liés à la pollution chaque année sont près de 50 % plus élevés que tous les décès dans le monde attribuables à la COVID‑19 à ce jour. C’est également plus élevé que tous les décès en 2019 attribuables à la guerre, au terrorisme, au SIDA, à la tuberculose, au paludisme et à la consommation de drogues et d’alcool combinés. La pollution atmosphérique est le principal contributeur aux décès liés à la pollution, représentant 6,67 millions de décès totaux.

J’aimerais remonter un peu à la Constitution de 1867 et rappeler à tous et à toutes que la Constitution ne contenait aucune référence à l’environnement lorsqu’on parlait du partage des compétences entre le fédéral et les provinces. J’ose croire que, si nous étions dans cette salle avec les Pères de la Confédération et que nous avions introduit le terme « environnement », nous aurions vu un point d’interrogation au-dessus de la tête de chacun des Pères de la Confédération. Dans la Constitution, on parlait bien sûr de forêt et de pêcheries, mais purement dans l’optique de l’exploitation de la ressource, et non dans l’optique de la protection de la ressource.

La répartition des pouvoirs en matière d’environnement est une affaire évolutive. Elle est le résultat de décisions de la cour, c’est-à-dire qu’elle est le fruit de la jurisprudence. Par ailleurs, cette jurisprudence n’accorde pas la responsabilité entière à un palier de gouvernement ou à un autre. Autrement dit, l’environnement est une compétence partagée.

J’aimerais à ce point-ci parler du fameux arrêt Hydro-Québec, car c’est à ce moment qu’on avait décidé, par une décision de la Cour suprême, que le fédéral avait bien le droit de légiférer en matière de réglementation des produits toxiques en utilisant le droit criminel. Il s’agissait d’un arrêt dans une cause impliquant la société d’État Hydro-Québec, qui avait été accusée, sous la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, d’avoir déversé des biphényles polychlorés, ou BPC, dans la rivière Saint-Maurice au début de 1990.

Dans son plaidoyer, la société d’État a soutenu que la réglementation des substances toxiques ne relevait pas du droit criminel et que le fédéral utilisait donc le droit criminel comme prétexte, comme moyen déguisé d’empiéter sur la compétence des provinces. Dans une décision tout de même assez serrée de 5 contre 4, les juges La Forest, L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory et McLachlin ont dit:

La protection de l’environnement, au moyen d’interdictions concernant les substances toxiques, constitue un objectif public tout à fait légitime dans l’exercice de la compétence en matière de droit criminel […] Le recours légitime au droit criminel ne constitue nullement un empiétement sur la compétence législative provinciale, bien qu’il puisse toucher à des matières qui en relèvent […] Le recours à la compétence fédérale en matière de droit criminel n’empêche nullement les provinces d’exercer les vastes pouvoirs que leur confère l’art. 92 pour réglementer et limiter la pollution de l’environnement de façon indépendante ou de concert avec des mesures fédérales.

Autrement dit, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement est une pierre angulaire qui est ancrée dans le droit criminel. C’est quelque chose de sérieux. Quand on dit que la Loi n’est pas rigoureuse et forte, on minimise les pouvoirs qui sont enchâssés dans la Loi.

À quoi sert le projet de loi S‑5? Cela a sans doute été dit dans d’autres interventions, mais sa raison d’être est la suivante: il reconnaît le droit à un environnement sain. C’est un sujet sur lequel de nombreux électeurs m’ont écrit. Ils demandent que le projet de loi intègre ce droit. Le projet de loi confirme également l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le projet de loi reconnaît la nécessité de réduire les risques pour les populations vulnérables, à savoir les enfants et les personnes qui vivent dans des zones fortement polluées. Un point très important est qu’il exige que les effets cumulatifs, c’est-à-dire la façon dont les produits chimiques interagissent entre eux, soient pris en compte dans les évaluations des risques liés aux substances. Ce n’est pas rien; au contraire, cela ajoute de la valeur à ce texte législatif.

Ce qui compte également pour bon nombre de mes électeurs, c’est que le projet de loi a pour objectif de réduire l’utilisation d’animaux pour tester la sécurité des produits. En outre, les Canadiens pourront demander que certaines substances soient évaluées en dehors des priorités d’évaluation particulières du gouvernement. Les citoyens ont un rôle à jouer dans le projet de loi, notamment en ce qui concerne le rôle et le droit de demander l’évaluation de certaines substances.

Revenons un peu sur l’histoire de la LCPE. Remontons jusqu’en 1999. La première mise à jour de la LCPE date de 1999. Je m’en souviens très bien, car je travaillais sur la Colline en tant que membre du personnel politique et le député pour lequel je travaillais était le secrétaire parlementaire du ministre de l’Environnement. Il y a eu de longues consultations avec les intervenants sur la façon de modifier le projet de loi. Les audiences du comité ont été assez longues et complexes.

La LCPE de 1999 comprenait pour la première fois le principe de la prudence, ce qui, encore une fois, n’est pas rien. Le principe de la prudence stipule:

qu’en cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement.

Je me souviens qu’il y a eu beaucoup de débats autour de cette définition du principe de la prudence. Il ne fait aucun doute que de nombreuses personnes souhaiteraient que la définition soit un peu plus forte et qu’elle ne mentionne peut-être pas le terme « effectif », comme dans « mesures effectives ». Néanmoins, il figure dans le projet de loi.

En outre, dans la LCPE de 1999, on s’est éloigné de la gestion de la pollution après sa création pour se concentrer sur la prévention de la pollution en premier lieu. La LCPE de 1999 comprend également des dispositions visant à réglementer les émissions des véhicules qui, comme nous le savons, sont utilisées par le gouvernement dans la lutte contre le changement climatique.

Enfin, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999, la LCPE, a instauré une nouvelle méthode, plus rigoureuse et plus rapide, pour évaluer si une substance est ou peut être considérée comme toxique pour l’environnement ou la santé humaine. Dans la loi, une substance toxique est définie comme ayant « immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique, mettre en danger l’environnement essentiel à la vie ou constituer un danger pour la vie ou la santé humaines ».

Si je comprends bien, le projet de loi S‑5 apporterait plus de rigueur au processus. Je cite:

Le nouveau cadre conservera l’approche fondée sur le risque aux termes de la Loi actuelle. Dans le cas des substances jugées toxiques en vertu de la LCPE, les modifications exigeraient alors que les ministres donnent la priorité à l’interdiction des activités liées aux substances toxiques qui présentent le plus haut niveau de risque. Les critères pour les substances qui présentent le plus haut niveau de risque seraient énoncés dans la réglementation et comprendraient la persistance et la bioaccumulation ainsi que des critères comme la cancérogénicité, la mutagénicité et la toxicité pour la reproduction. Cette réglementation sera élaborée en consultation avec les intervenants.

Il est question d’un projet de loi, et c’est un domaine complexe. Il est clair que des règlements seront nécessaires. On ne peut pas tout mettre dans le projet de loi. La plupart des détails devront être précisés par règlement.

Un autre fait intéressant concernant le projet de loi S‑5 est que s’il est adopté, et je suppose qu’il le sera, il obligera le ministre de l’Environnement et du Changement climatique à publier et à tenir à jour une liste de surveillance. Il s’agit d’une nouveauté. Par liste de surveillance, on entend une liste de substances potentiellement toxiques en vertu de la LCPE. Il n’est pas seulement question de substances dont on sait qu’elles sont toxiques, mais aussi de celles dont on pourrait déterminer, d’après des études, qu’elles deviennent toxiques si, par exemple, l’exposition augmente. La liste de surveillance aidera les importateurs, les fabricants et les consommateurs canadiens à choisir des solutions de rechange plus sûres et à éviter les substitutions regrettables.

Un autre fait intéressant à noter à propos de la LCPE qui, à mon avis, n’a pas été beaucoup discuté, c’est la pertinence de la LCPE dans le contexte de la lutte contre le changement climatique. Lorsque nous parlons des mesures de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, nous faisons beaucoup référence à la tarification appliquée au carbone, au prix de la pollution, mais nous ne portons pas tellement attention à la LCPE.

J’ai été élu et je siégeais déjà à la Chambre en 2005, et je me souviens que le gouvernement de Paul Martin a ajouté les émissions de gaz à effet de serre à la LCPE de 1999, à savoir les émissions des grands émetteurs industriels, citant « le consensus scientifique mondial selon lequel il existe des preuves suffisantes et convaincantes pour conclure que les gaz à effet de serre constituent ou peuvent constituer un danger pour l’environnement dont dépend la vie ».

C’était il y a presque 20 ans. Déjà à l’époque, le gouvernement libéral, faisant preuve de la clairvoyance nécessaire, avait compris que le changement climatique était un problème réel et croissant et il avait apporté des modifications à la LCPE de 1999 pour se donner le levier nécessaire, à savoir le pouvoir de réglementer les émissions de gaz à effet de serre. Je n’ai pas le souvenir que les conservateurs ont été ravis de ce changement à l’époque, bien qu’aujourd’hui ils prêchent volontiers en faveur de la voie réglementaire pour soutenir les technologies propres comme solution de rechange préférable à la tarification de la pollution par le carbone.

Encore aujourd’hui, au cours de ce débat qui a commencé il y a peu, il a été mentionné que l’une des principales avancées du projet de loi S‑5 était l’introduction du droit à un environnement sain. Je vais lire le paragraphe 5.1(1) du projet de loi S‑5, qui dit ceci:

Pour l’application de l’alinéa 2(1)a.2), les ministres élaborent un cadre de mise en œuvre dans les deux ans suivant la date d’entrée en vigueur du présent article afin de préciser la façon dont le droit à un environnement sain sera considéré dans l’exécution de la présente loi.

Je reviendrai sur ce point dans un instant.

Un autre aspect très important du projet de loi S‑5 qui ne doit pas être minimisé — et ce point a notamment été mentionné par la députée de Victoria —, c’est que le projet de loi vise à minimiser les risques pour la santé des populations vulnérables. Par populations vulnérables, on entend « groupe de particuliers au sein de la population du Canada qui, en raison d’une plus grande sensibilité ou exposition, peut courir un risque accru d’effets nocifs sur la santé découlant de l’exposition à des substances ».

Les personnes les plus sensibles peuvent être, par exemple, les enfants et les personnes en mauvaise santé. Les personnes les plus exposées peuvent être les travailleurs et les personnes vivant dans des zones où les niveaux de pollution sont particulièrement élevés.

En outre, la nouvelle loi exigerait que le gouvernement mène des recherches et des études, y compris des enquêtes de biosurveillance, portant spécifiquement sur le rôle des substances dans les maladies ou les troubles de la santé qui peuvent concerner les populations vulnérables.

C’est sur ce point que le projet de loi S‑5 et le projet de loi C‑226 se recoupent. Le projet de loi C‑226 est parrainé par la députée de Saanich—Gulf Islands, mais a été présenté pour la première fois par la députée de Cumberland—Colchester au cours de la dernière législature. On l’a appelé le projet de loi sur le racisme environnemental.

À l’exception de quelques modifications d’ordre grammatical et de formulation, le projet de loi C‑226 est identique à celui qui a été présenté par le comité de l’environnement avant les dernières élections. Le projet de loi C‑226 va un peu plus loin que le projet de loi S‑5 en ce qu’il est très proactif et normatif pour ce qui est des discussions avec les populations vulnérables sur les risques auxquels elles font face.

Par exemple, le projet de loi C‑226 exige que le ministre élabore une stratégie nationale destinée à promouvoir des initiatives partout au Canada visant à faire progresser la justice environnementale, et à évaluer, à prévenir et à éliminer le racisme environnemental.

Le projet de loi exige que la stratégie prévoie la réalisation d’une étude portant notamment sur le lien entre la race, le statut socio-économique et le risque environnemental, et contenant des informations et des statistiques sur l’emplacement des risques environnementaux. La stratégie doit comprendre des mesures pouvant être prises pour faire avancer la justice environnementale et évaluer, prévenir et éliminer le racisme environnemental et pouvant comprendre des modifications éventuelles aux lois, politiques et programmes fédéraux, la participation des groupes communautaires à la prise de décision en matière d’environnement et, enfin, la collecte de renseignements et de statistiques sur les résultats de santé dans les collectivités situées à proximité de risques environnementaux.

Pour tirer parti de l’effet de levier du nouveau droit à un environnement sain et de la protection prévue des populations vulnérables, il a été suggéré d’amender le projet de loi S‑5 de façon à exiger que le ministre précise les mesures que le gouvernement doit prendre chaque fois que, dans un secteur géographique donné, la concentration ambiante moyenne d’une substance pour laquelle une norme de qualité de l’air ambiant a été établie dépasse la norme.

À mon avis, c’est très important. Je crois que la députée de Victoria y a fait allusion. Pour revenir au début de mon intervention, c’est là que la pollution a vraiment un impact sur la santé humaine. C’est souvent par la pollution atmosphérique. Nombreux sont ceux qui réclament un amendement au projet de loi qui obligerait le gouvernement à élaborer des mesures chaque fois qu’il est déterminé que l’impact sur la qualité de l’air ambiant dans un secteur donné dépasse la norme.

Je comprends que cela soulève certaines questions relevant de la compétence fédérale ou provinciale, mais j’espère que le comité étudiera ce point avec des témoins experts et qu’un amendement sera peut-être présenté à cet effet.

Cette question est liée à un autre sujet sur lequel j’ai reçu beaucoup de courrier ces dernières années. Le projet de loi vise à réduire le recours aux essais sur les animaux. De nombreux électeurs m’ont écrit à ce sujet, en rapport avec la mise au point de produits cosmétiques, pour me dire que nous devons mettre fin à cette pratique. En fait, le projet de loi ouvre la porte à une telle réduction du recours aux essais sur les animaux. Le Sénat a apporté quelques modifications pour renforcer encore cette partie du projet de loi.

J’ai rencontré des intervenants, notamment des groupes de défense des droits des animaux comme Animal Justice Canada, Humane Canada et Humane Society International/Canada. Ces groupes ont recommandé de renforcer encore plus cette partie du projet de loi. L’amendement du Sénat parle d’améliorer l’utilisation des essais sur les animaux, mais pour les personnes que j’ai rencontrées, cela laisse la porte ouverte un peu trop largement.

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