Francis Scarpaleggia
Francis Scarpaleggia
Député de Lac-Saint-Louis
Discours : clause dérogatoire
09 février 2023

Monsieur le Président, pour débuter, j’aimerais parler de ce beau et grand pays qu’est le Canada, un pays béni de richesses variées et abondantes qui font l’envie du monde.

Pensons entre autres à l’hydro-électricité du Québec, qui répond à nos besoins énergétiques et qui chauffe nos maisons, et qui alimente en énergie nos voisins en Ontario et dans l’État de New York, aux États‑Unis. Pensons aussi au blé et aux autres produits agricoles qui aident à nourrir la planète. Pensons même au pétrole qui permet de produire du matériel médical et qui continue de chauffer nos domiciles dans cette période de transition vers une économie plus verte et plus propre. Pensons enfin à nos cours d’eau, qui nourrissent nos écosystèmes et qui servent de courroies de navigation pour transporter nos ressources, nos produits intérimaires et nos produits finis vers les marchés en Amérique du Nord et outremer.

Cependant, ce qui fait réellement la force d’un pays, ce sont les valeurs qu’incarnent ses citoyens. Ici, au Canada, les Canadiens et les Canadiennes, y compris les Québécois et les Québécoises, privilégient les valeurs du vivre-ensemble et de l’entraide. Ils privilégient également les valeurs démocratiques. Ce sont des valeurs qui se traduisent, entre autres, par un profond attachement à la Charte canadienne des droits et libertés dans notre Constitution canadienne. Que ce soit en Colombie‑Britannique, à l’Île‑du‑Prince‑Édouard, au Québec ou en Ontario, les Canadiens et les Canadiennes de partout au pays tiennent mordicus à leurs droits et libertés, peu importe les gestes que peuvent poser les gouvernements de temps en temps.

Pensons par exemple à la regrettée Nicole Gladu, qui s’est servie de la Charte canadienne des droits et libertés de la Constitution canadienne pour affirmer son droit à l’aide médicale à mourir. Je dois souligner que c’est un tribunal québécois qui lui a accordé ce droit en vertu de la Charte. Je crois qu’il nous incombe de remercier et de rendre hommage à Pierre Elliott Trudeau d’avoir consacré sa vie politique à faire rapatrier notre Constitution et à y inscrire cette charte, une des plus modernes du monde entier parce qu’elle reconnaît les intérêts des collectivités.

La Charte comprend également une disposition de dérogation. Il faut souligner que cette disposition ne peut être utilisée pour brimer les droits des minorités de langue officielle. C’est un point que je tiens à souligner, car beaucoup de personnes oublient souvent que cette disposition de dérogation ne peut pas brimer tous les droits, certains étant garantis par la Charte et la Loi constitutionnelle de 1982.

Depuis mon élection, et même auparavant, je n’ai jamais été en faveur d’invoquer cette disposition de dérogation, ce que peut par ailleurs faire le Parlement en vertu de la Constitution, même si on semble l’oublier. Or, cette disposition existe et elle sert un objectif précis, celui de permettre au gouvernement fédéral ou à un gouvernement provincial de prendre le temps de réfléchir et de s’ajuster à une décision d’un tribunal qui invaliderait une de ses lois totalement ou en partie. Son application est cependant limitée dans le temps, et ce n’est donc pas un chèque en blanc ni un champ ouvert. En effet, le recours à cette disposition de dérogation doit être renouvelé tous les cinq ans.

Il y a plusieurs éléments de cette disposition qu’on peut qualifier de démocratiques. Par exemple, elle donne le dernier mot, mais pas tout à fait, car le mot doit être répété tous les cinq ans. Elle permet à une assemblée législative de se retirer sur une base temporaire d’une décision de la cour.

Évidemment, nous pouvons débattre de cette question, mais, selon moi, la disposition de dérogation a été conçue pour permettre à la cour de statuer et de donner un avis ancré dans nos traditions juridiques, dans notre système de droit. De surcroît, la disposition de dérogation a été conçue dans l’optique de créer l’obligation d’avoir un débat politique ouvert sur le bien-fondé de l’utilisation de la disposition de dérogation, et ce, aux cinq ans.

Dans les deux cas qui sont devant la cour présentement, soit les lois 96 et 21, le gouvernement Legault, de la province de Québec, a utilisé cette disposition de manière préventive. Cela a pour effet de couper l’herbe sous le pied de la cour. Les mains de la cour sont en fait liées. La cour ne peut rien faire. On sait que, dans le cas de la loi 21, c’est la Cour supérieure du Québec qui s’est exprimée sur certains aspects de la loi qui briment des droits. Cependant, elle a admis qu’elle ne pouvait rien faire à cause de la disposition de dérogation.

Ce qui est problématique dans l’utilisation de la disposition de dérogation de manière préventive, c’est que, non seulement les mains de la cour sont liées, mais on ne peut avoir un plein débat sur l’utilisation de la disposition, un débat au sein d’une assemblée législative sous les feux de la caméra, un débat suivi dans tous ses détails par nos médias. Je trouve cela extrêmement problématique et cela vient ajouter un élément antidémocratique à une disposition qui est, on doit l’admettre, démocratique et bien légale.

Une question s’impose lorsque les gouvernements utilisent cette disposition de manière préventive, que ce soit au Nouveau‑Brunswick, en Ontario, au Québec ou n’importe où au Canada. De quoi ces gouvernements ont-ils peur? Ont-ils peur de leurs juristes, de leurs cours, ou de leurs citoyens? Ont-ils peur que leurs citoyens suivent le débat sur une mesure qui vient retirer leurs droits et qu’ils changent d’opinion au sujet de la mesure que le gouvernement en question a instaurée au moyen de sa loi? Ces gouvernements ont-ils peur des deux, des juristes et de la population dans son ensemble?

Je m’arrête maintenant et je suis prêt à répondre aux questions.

 

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