Francis Scarpaleggia
Francis Scarpaleggia
Député de Lac-Saint-Louis
Discours : l’aide médicale à mourir en cas de maladie mentale grave
15 février 2024

Monsieur le Président, je me lève pour la deuxième fois cette semaine pour prendre la parole au sujet de cette question. Comme je l’ai dit au début de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, je me suis senti interpellé par cette question, à tel point que j’ai offert de siéger au Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir lorsqu’il a abordé la question de la maladie mentale. Je croyais que c’était mon devoir de participer à un débat qui est vraiment très important pour la société. C’est un débat sociétal qu’on peut qualifier de crucial et d’extrêmement complexe. En tant que législateur, je voulais me renseigner davantage sur une question de politique publique d’actualité qui est d’une grande importance pour mes concitoyens. Beaucoup d’entre eux m’ont écrit pour me parler de cette question.

J’ai assisté à une bonne partie du débat de cette semaine sur la question et j’ai été fort impressionné par le ton. Il est vrai que par moments, on peut se laisser emporter par la passion, mais c’est normal quand il s’agit d’une question aussi cruciale, d’une question de vie et de mort. Je dois dire que j’ai trouvé inspirant le fait que le débat se déroule de manière assez respectueuse. C’est inspirant et nous devrions adopter ce ton lors de l’étude des nombreuses autres questions qui sont abordées ici à la Chambre.

J’ai entendu des arguments que je ne veux pas qualifier de fallacieux, parce que c’est un mot péjoratif et que je ne veux pas critiquer quiconque, mais disons que j’ai senti certaines contradictions lors de certaines interventions.

Premièrement, on prétend qu’on aurait pu tout simplement amender le projet de loi C‑62 pour y inclure les demandes anticipées. Je ne pense pas qu’on soit prêt à présenter tout d’un coup un amendement au pif pour ouvrir la porte à quelque chose d’aussi complexe, sinon plus, que l’aide médicale à mourir, soit l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de maladie mentale. Cela nous a pris beaucoup d’efforts, de débats, de discussions, ainsi que plusieurs rencontres de comité, pour arriver à ce stade-ci à parler d’aide médicale à mourir en cas de maladie mentale.

Également, l’idée de proposer un amendement en comité est fallacieuse, parce qu’un tel amendement serait sûrement jugé non recevable étant donné que la portée du projet de loi n’est pas aussi large que cela. Le projet de loi vise une question assez précise, c’est-à-dire l’aide médicale à mourir lorsqu’on parle de troubles mentaux.

On prétend que nous avons pris trop de temps à débattre de cette question, que cela fait déjà trois ans et que nous devrions terminer le débat. Nous ne parlons pas de politiques comme l’abordabilité et la nécessité de construire des logements le plus vite possible. Nous parlons de quelque chose de très sérieux. Nous sortons vraiment du pratico-pratique et j’estime que cela va prendre le temps que cela va prendre parce qu’il n’y a pas de consensus parmi les experts. S’il n’y a pas de consensus, on ne peut pas forcer la note, exiger qu’il y en ait un tout à coup et que nous allions de l’avant parce que le temps file. La question du temps que cela prendra pour arriver à une bonne conclusion n’est malheureusement pas un problème pour moi.

Comme je le disais, ce n’est pas tout simplement une question technique sur le plan médical, c’est une question morale et éthique pour la société, assurément.

Aussi, on a soulevé la question de la prudence. On prétend que le gouvernement est trop prudent vis-à-vis de la question, qu’il n’agit pas aussi rapidement qu’on le voudrait, qu’il n’a pas vidé la question assez vite ou qu’il manque de volonté politique. Effectivement, il manque de volonté politique parce qu’il y a trop d’incertitudes. Dans ce cas, ce n’est pas une mauvaise chose de manquer de volonté politique pour aller de l’avant le plus tôt possible.

Toutefois, par rapport à cette idée d’avoir trop de prudence, je dirais qu’il y a en même du côté du Bloc québécois, car il accepte le cadre que nous avons établi. Nous ne mettrons pas en œuvre ce cadre pour l’instant. Cependant, ce cadre dicterait que ce n’est pas tout le monde qui va demander l’aide médicale à mourir pour raison de troubles mentaux qui va la recevoir. D’ailleurs, on parle de seulement 5 % d’acceptation. Même si on allait de l’avant, il y aurait beaucoup de prudence vis-à-vis des 95 % des gens qui demanderaient l’aide médicale à mourir pour cette raison.

Il ne faut donc pas parler comme si la prudence n’était pas un enjeu. La prudence est un enjeu, même si on accepte d’aller de l’avant. Je demanderais ceci à mes collègues qui soulèvent de manière péjorative la prudence du gouvernement: est-ce trop prudent d’exiger que, dans ces cas-là, il y ait un psychiatre d’impliqué dans l’évaluation de la demande du patient? En ce moment, ce n’est pas nécessaire qu’un psychiatre s’implique dans cette évaluation. Pourtant, aux Pays‑Bas, où c’est permis, il faut avoir recours à un psychiatre pour avoir son opinion vis-à-vis de la demande. Certes, il y a une prudence, mais elle n’est pas déraisonnable. Je dirais que mes collègues du Bloc québécois sont d’accord que ça prend une certaine prudence.

On parle aussi de liberté. On dit que c’est une question de liberté comme si on parlait de liberté absolue. Ce n’est pas une question de liberté absolue parce que 95 % des demandeurs n’auraient pas la liberté d’avoir accès à l’aide médicale à mourir en raison de troubles mentaux. Il faut quand même nuancer le débat pour ne pas faire accroire qu’on parle de concepts absolus.

Ensuite, on invoque cette question de la nation québécoise. J’écoutais mon ami le député de Joliette, avec qui j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler sur la réforme électorale et qui est un parlementaire rodé qui livre de bons discours à la Chambre. Il disait qu’il y a beaucoup de nations au Canada. Effectivement, il y a la nation québécoise, mais il y a aussi des nations autochtones. Il y a des nations autochtones au sein de la nation québécoise, également. Ce que j’ai cru comprendre, c’est que les nations autochtones ne sont pas terriblement en faveur d’aller de l’avant en ce moment. Elles disent qu’elles n’ont pas été assez consultées. Elles ont des craintes vis-à-vis du racisme systémique qui existe dans les systèmes de santé partout au Canada. Elles craignent, entre autres, que les demandes soient peut-être traitées trop facilement.

Il ne faut pas trop parler de collectivité lorsqu’on parle d’aide médicale à mourir. Lorsqu’on est rendu à ce point-là, lorsqu’on est sur son lit de mort, j’ose croire qu’on ne pense pas trop à la collectivité. On est âme seule devant l’infini, si on peut dire. Il ne faut donc pas trop parler de nation lorsqu’on parle de cette question d’aide médicale à mourir. Ce n’est pas une question collective. Je suis d’accord que c’est une question de droits individuels. C’est là où ça devient compliqué, parce qu’on ne veut pas que les gens souffrent.

Cependant, on ne veut pas que les gens posent les gestes qui ne sont pas évalués avec assez de prudence, étant donné que nous sommes face à une question de vie ou de mort.

Je m’arrête là et j’attends les questions.

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