Francis Scarpaleggia
Francis Scarpaleggia
Député de Lac-Saint-Louis
Note d’information : la clause dérogatoire
25 mars 2024

La décision de la Cour d’appel du Québec sur le projet de loi 21 est non seulement décevante, mais aussi extrêmement frustrante. Cette décision a mis l’accent sur la disposition de dérogation et plus particulièrement sur son utilisation anticipée ou « préventive ».

La disposition de dérogation de la Constitution ne peut pas être utilisée pour suspendre tous les droits garantis par la Charte des droits et libertés. Les droits à l’instruction dans la langue de la minorité, par exemple, n’entrent pas dans son champ d’application, tout comme les droits démocratiques. Mais lorsque la disposition peut être utilisée, c’est comme si le gouvernement qui l’invoque disait « notre loi s’applique même si nous violons les droits garantis par la Charte ».

Je me joins aux nombreuses voix qui pensent que la disposition n’a jamais été destinée à être utilisée qu’en réponse, c’est-à-dire à la suite d’une décision de justice déclarant qu’une loi est contraire à la Charte.

Lorsqu’un gouvernement invoque la disposition de dérogation avant l’examen d’une loi par les tribunaux, il paralyse le pouvoir judiciaire, l’empêchant de facto d’examiner pleinement la loi et de la déclarer éventuellement inconstitutionnelle, en tout ou en partie. L’utilisation préventive de la disposition donne à un gouvernement le premier et le dernier mot en matière de droits. Ce faisant, il neutralise un élément fondamental de notre démocratie constitutionnelle : la surveillance judiciaire dans l’intérêt de la protection des droits des minorités.

Un gouvernement qui cherche à utiliser la disposition de dérogation doit, au minimum, attendre qu’un tribunal ait statué qu’une loi donnée viole la Charte avant de demander au corps législatif d’approuver l’invocation de cette disposition. Il en résulterait une plus grande responsabilité démocratique; un débat complet et ciblé sous le regard attentif des médias et du public sur la question précise de l’invocation de la disposition. Lorsque la disposition est invoquée après coup, le gouvernement doit redoubler d’efforts et courir un plus grand risque politique pour justifier la raison pour laquelle il se sent obligé de brimer les droits garantis par la Charte, qui ont été confirmés par les tribunaux. Il doit être en mesure d’expliquer pourquoi la marge de manœuvre déjà offerte par l’article premier de la Charte n’était pas suffisante. L’article premier autorise la limitation des droits, mais uniquement lorsqu’il est manifestement raisonnable de le faire dans une « société libre et démocratique ».

Malheureusement, les gouvernements du Québec, de l’Ontario et de la Saskatchewan ont pris l’habitude d’invoquer la disposition de dérogation de manière préventive dans le but d’éviter un examen complet de lois controversées. La Cour d’appel du Québec n’a pas pleinement examiné la façon dont le projet de loi 21 pourrait violer les droits de la Charte parce que le gouvernement Legault a choisi d’invoquer la disposition de dérogation avant que la loi n’atteigne le pouvoir judiciaire. La Cour n’a donc pas examiné si la loi violait le droit à la liberté de religion, à l’égalité ou à la liberté d’expression car, vraisemblablement, elle a considéré que ces questions étaient sans objet compte tenu de l’utilisation de la disposition. Entre-temps, nous restons dans l’incertitude quant à la question de savoir si et comment la loi viole ces droits

Le gouvernement libéral fédéral s’oppose à l’utilisation préventive de la disposition de dérogation. En revanche, les conservateurs et le Bloc québécois soutiennent l’utilisation sans entrave de la disposition et ont exprimé ensemble ce soutien lors d’un vote sur une motion du Bloc à ce sujet à la Chambre des communes en février 2023.

Maintenant que la Cour d’appel du Québec a rendu sa décision limitée sur le projet de loi 21, la prochaine étape de la procédure d’appel est la Cour suprême. Le ministre de la Justice, Arif Virani, a déclaré sans équivoque que si le plus haut tribunal du pays acceptait d’entendre un appel de la décision du tribunal du Québec, le gouvernement libéral serait là pour défendre la Charte.

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