Francis Scarpaleggia
Francis Scarpaleggia
Député de Lac-Saint-Louis
Article : Non, Monsieur Trump, vous n’aurez pas l'eau du Canada
26 février 2025

Cet article a été publié le 26 février 2025 dans le Montreal Gazette.

Le président Donald Trump a parlé d’eau et laissé entendre que l’or bleu canadien pourrait résoudre les problèmes d’eau de plus en plus criants de son pays. La récente salve de guerres commerciales et les discours provocateurs du président contre l’intégrité territoriale du Canada font craindre qu’il ait dans sa mire notre eau douce.

Nous ne devons jamais relâcher notre vigilance pour défendre la souveraineté de nos réserves d’eau douce. Par chance, une panoplie de facteurs et mesures de protection freinent toute véritable tentative d’acheminer de grandes quantités d’eau hors des frontières canadiennes.

Pour commencer, il n’y a pas de « grand robinet » à ouvrir, pour reprendre les mots du président. Au Canada, la plupart des rivières s’écoulent du sud vers le nord, tout comme certaines grandes rivières transfrontalières. De plus, les changements climatiques mettent en péril nos propres réserves d’eau, en particulier dans les provinces de l’Ouest. Enfin, une foule de traités et de lois fédérales et provinciales servent de rempart contre les idées grandioses d’acheminer des quantités énormes de notre eau douce aux États-Unis.

Une bonne partie de l’eau douce canadienne se trouve au Québec. En 2009, la province a adopté le projet de loi no 27 affirmant légalement le caractère public des ressources en eau et visant à renforcer leur protection. La nouvelle loi reformule une interdiction de transférer de l’eau hors de la province, qui avait été adoptée en 1999.

Les règlements pris en application du projet de loi no 27 interdisent expressément le prélèvement d’eau dans le bassin du fleuve Saint-Laurent. Aussi, ils mettent en œuvre les obligations du Québec en vertu de l’Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Il s’agit d’un accord de coopération régionale, qui a été signé par le Québec, l’Ontario et les huit États des Grands Lacs pour s’opposer aux forces économiques ou politiques qui chercheraient à puiser l’eau du plus grand bassin hydrographique au monde, qui contient plus de 20 % de l’eau douce de surface au monde. Pour sa part, l’Ontario a adopté en 2008 une loi visant à enchâsser les dispositions de l’Accord dans ses lois provinciales.

Le consensus canadien contre l’exportation d’eau vers les régions sèches du continent trouve donc un écho dans des États qui sont économiquement et politiquement puissants chez nos voisins du Sud.

Au fédéral, le gouvernement Chrétien a modifié la Loi du traité des eaux limitrophes en 2002 pour interdire le captage massif d’eaux limitrophes, y compris des Grands Lacs.

Puis, en 2013, le Parlement a adopté le projet de loi C‑383 pour interdire l’utilisation des rivières qui traversent naturellement la frontière pour acheminer les eaux canadiennes vers le sud. Cette loi modifiait la Loi sur les ouvrages destinés à l’amélioration des cours d’eau internationaux (LODACEI) pour interdire la délivrance de permis visant à relier les eaux intérieures à « un cours d’eau international si l’ouvrage [...] a pour objet ou pour effet d’augmenter le débit annuel de celui‑ci à la frontière internationale. » Le projet de loi C‑383 a également empêché toute province de construire une canalisation vers les États-Unis, puisque celle‑ci est considérée comme un cours d’eau transfrontalier en vertu de la LODACEI modifiée. Même si un tribunal était en désaccord avec cette interprétation, la loi modifiée a pour objet « la prévention des risques de dommages environnementaux qui découlent des pertes d’eau permanentes dans les écosystèmes canadiens », ce qui constituerait une solide protection juridique.

Par ailleurs, si l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a jadis suscité des craintes quant à la vulnérabilité de l’eau douce canadienne aux pressions commerciales, l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), qui l’a remplacé, a largement dissipé ces doutes. L’ACEUM s’est débarrassé du controversé chapitre 11 de l’ALENA, le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États. Le chapitre 11 avait fait craindre que les gouvernements canadiens ne soient un jour contraints de verser d’importantes sommes compensatoires à des intérêts privés étrangers empêchés par nos lois et règlements nationaux d’exporter notre eau vers le sud. Pour s’en prémunir encore davantage, une lettre à cet effet accompagne l’ACEUM, à l’instar de la déclaration que le gouvernement Chrétien avait annexée à l’ALENA en 1993. La lettre réitère que, à moins que l’eau sous forme naturelle ne fasse l’objet d’un commerce, rien dans l’accord n’oblige le Canada ou les États-Unis « à exploiter ses ressources en eau à des fins commerciales, y compris en ce qui a trait au prélèvement, à l’extraction ou à la dérivation de l’eau en vue de son exportation à grande échelle. »

L’ACEUM sera renégocié en 2026. Nous devons nous montrer fermes pour préserver les acquis des négociations précédentes empêchant que l’eau douce canadienne ne devienne une marchandise transfrontalière. Sinon, nous risquons de briser le large consensus qui existe au pays contre les exportations massives d’eau, et de trahir la volonté politique qui a enchâssé ce consensus dans la loi.

Francis Scarpaleggia est le député de Lac-Saint-Louis et, au moment de la prorogation, il était président du Comité permanent de l’environnement et du développement durable à la Chambre des communes. Il a présenté une multitude de projets de loi et de motions au Parlement sur des enjeux de gestion et de protection de l’eau douce.

 

Bureau principal - Pointe-Claire
1, avenue Holiday 635, Tour est
Pointe-Claire, Quebec
H9R 5N3

Téléphone :
514-695-6661

Télécopieur :
514-695-3708
Afficher la carte

Bureau de la colline
Chambre des communes
Ottawa, Ontario
K1A 0A6

Téléphone :
613-995-8281

Télécopieur :
613-995-0528
Afficher la carte